Lac de Pradeilles (Pyrénées Orientales)

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Ce blog comme une promenade entre amis… On pourra donc lire ou écrire, admirer la nature, ramasser des cèpes ou des morilles , pêcher à la mouche, jouer au poker, parler médecine, littérature, actualité,ou même de tout et de rien comme le font des amis en fin d'une belle journée de randonnée...

lundi 24 mai 2010

Jour férié…

              On lit partout que ce Lundi de Pentecôte est à demi férié… Il y a ceux qui bossent, et ceux qui ne travaillent pas… On calcule ce que coûte à la société les paresseux, et combien rapportent les courageux… Bien sûr c'est l'occasion d'une polémique car cet argent devrait, promis juré, être employé pour les personnes âgées, mais serait en partie utilisé de fait pour combler le trou de la Securité Sociale… Donc ceux qui prennent l'apéro dehors au soleil peuvent en débattre, je fais partie de ces veinards, mais je prefère en profiter pour vous proposer une nouvelle qui n'a rien à voir, même si son titre semble adapté…
                                          DEMAIN J'IRAI PAS TRAVAILLER.

              Le jour où sa femme est tombée malade, Lucien s'est mis colère.  Les femmes inventent toujours la vie plus dure qu'on pourrait s'attendre.  Il a cassé quelques assiettes, imprimé dans le plâtre son poing qu'il avait gros.  Le chat Miquette ne risquait rien, bien planqué sous l'évier.

             Mais au moment d'frapper la Félicie, il ne l'a pas frappée.  Il s'est mis à pleurer.

          Alors la Félicie qui n'aimait pas bien voir son homme en peine l'a cajolé.  Ils ont sorti deux trois bouteilles, un saucisson, p'têt que c'était pas tant vraiment une maladie qu'un désir de vacances.  Lucien tout soudain s'est senti solidaire:

          - Sacré Bon Dieu, demain j'irai pas travailler !

          Seulement le lendemain la jambe avait encore enflé.  Elle a bien essayé d'marcher, c'était comme un grand pieu d'acier dans son mollet.

          - Comment çà t'fait, ma coquette, comment çà t'fait ?
        - Comme une douleur.  C'est pas bien grave, mon Lulu, c'est mal que çà me fait, si t'es pas trop colère.
         - C'que tu pourras tout de même faire les courses ?
         - P'têt, si tu veux , que j'attendrai ce soir...

          Restait plus qu'une bouteille de vin.  Lucien s'est décidé.  Sa coquette, il l'aimait.  Il a frappé chez la voisine.  Celle qui voulait plus lui parler.  Un peu pleurant, un peu menace, est rev'nu triomphant.

       - Elle a dit oui, ma chotte, elle va au SuperM.  C'est flan pour deux trois jours, et d'main tu s'ras guérie !

           L'a été bon toute la journée.  L'a faite boire, en se servant, un verre à toi, un verre à moi.  Des maris comme çà, Félicie, qui partagent, elle en connaissait pas.

         Mais le soir cette jambe. Et bleue, et rouge et chaude, elle en pouvait plus.

        - Comment çà t'fait ?
        - Pire qu'une douleur, vraiment.  J'ai tant si mal, pour ainsi dire, je sens plus rien !
        -Alors c'est donc que çà va mieux ?
        -J 'veux dire ... Je sens qu'une jambe ... L'autre elle est morte, parole !
       - C'est pas tant grave ! Ta jambe, elle peut pas mourir, comme çà toute seule, sans toi, ou alors...

         Il a fondu en larmes.  Y comprenait plus goutte.  Seulement comme un danger qui flottait, plus tenace que l'odeur de moisi.

       - Et si je t'aide, peutêt’ que tu sauras marcher.  Pis d'main... j'irai pas travailler.

         A son patron l'a dit tout çà, en deux sanglots, en trois menaces.

      - Lulu, Lulu, sois pas si contrarié !
      - Pas çà, mais j'me fais du souci...
        C'est dans l'après-midi qu'elle a osé lui dire:
      - Lulu, s'il te plaît ... il faut ... va-t-en pas t'énerver...
      - Quoi donc, ma Félicie
      - Promets...
       L'a branlé toute la tête, la bouche ouverte, pour  faire  tomber ses yeux.
       - Faudrait ... Faire venir un docteur...

       Les doigts crispés sur le tissu, à l'arracher, l'tissu du canapé.  Ah! fallait bien lui dire.  Il s'est comme affaissé, tas d'glaise sur la banquette.
       - C'est tant si vraiment grave, cette fois ? 
       - Mais non, mais non, mais j'sais pas quoi m'y faire.  Deux nuits j'ai pas dormi, pas une seconde, hein ma Miquette ?

        Le chat fixait Lulu de ses yeux jaunes, prêt à s'enfuir. Sa queue nettoyait la poussière à petits bonds nerveux.  Lucien a soupiré.
      - Prends dans mon porte-monnaie ! Lulu ! T'oublies l'argent !
      -T'occupes, t'occupes...

       Il a pris son vélo.  Le doc était pas loin.  Il a carillonné, a traversé la salle d'attente, malheur, chaleur, sueur, Lulu avait des poings de boeuf, un front de boeuf, personne a protesté.

       - La Félicie ! sa jambe est bleue et noire, et j'crois qu'elle a si mal...
         Lulu avait les larmes.

        Doc a laissé tout en plan.  Les gosses chialant, les vieux toussant, les femmes en rouspétance.     
        Quand il est arrivé, Félicie avait tout nettoyé, quoi, les miettes sous l'canapé, et bouteilles au placard...
       Cet homme est effrayé, il pousse les hauts cris.  A parlé d'hôpital, sans blague.
       - L'hôpital ! Elle quittera pas d'ici ! Ca non !

         Il était franc furieux.  Jurant, soufflant, plein rouge.  Félicie a pris peur.  Le chat, prudent, sur la fenêtre.  Docteur abasourdi.
      - Docteur, il est fragile, prenez lui la tension ... Toutes ces histoires, çà le remue...
        Il s'est un peu calmé.  Mais l'hôpital ! inutile d'insister !
      - Dis-lui, bon sang, ma belle, que t'aim'rais mieux mourir ! 
      - Vois pas tout çà tragique, Lulu, docteur va m'en sortir...

        Doc était pas bien sûr.  Enfin, s'est mis d'accord, deux fois par jour, il faudrait des piqûres.  Et commencer de suite.  Le cabinet l'attend, bondé, il a pas fait la feuille de soins.
        Ouf ! il était parti.
        Lucien a pris sa Félicie dans ses bras, l'a bercée, dedans ses bras énormes.  Y fallait boire un verre.

       - Te tracasse pas pour lui payer ! Ces oiseaux-là, çà bouffe que des billets la sainte journée.  Ce soir en allant chez l'Emile, j'passe à la pharmacie, et pis chez la bonne soeur.  Façon d'main, j'irai pas travailler !

         Est rev'nu vers neuf heures.  En l'attente, deux fois, trois fois Félicie dévisageait la mort, a cru s'évanouir.  La fièvre a commencé.

        La soeur était chameau.  Elle a grondé Lulu, et çui-là bredouillant, balançant, grattant la gorge.  Ah ! elle n'avait pas peur !

       - Attendre tout ce temps avec une phlébite ! Phlegmatia coerulea, danger mortel ! Et pourquoi vous n'avez que moitié des ampoules ?

        C'est qu'il avait pensé, à ce prix, une seule par jour était pour suffire...

       - Le doigt de Dieu se dresse, Lucien Calottier, je le sens dans mon dos !

       Certain ! fallait l'amadouer: boudin noir, saucisse sèche, boutifar, quelques grattons...
       - Si vous aimez, dites, avec l'Emile, j'en ai tant qu'on en veut, Emile Jeanfeu, qui fait dans l'abattoir, sûr que vous connaissez.
        La soeur était furax.  Sûr qu'elle le connaissait, l'Emile, mais pas dans les églises.  A préféré rien dire, est partie menaçante.
      - Ca fait douze francs cinquante, et à demain matin.  Donnez-lui ces cachets.

        Y pouvait pas promettre de payer Dimanche, à la quête.  Ca l'a pas mis de claire humeur.  Le chat, subtil, resta dans le dehors toute la nuit.
       La jambe de Félicie s'est un peu adoucie.  Avec les pilules, et deux ou trois gorgeons, le sommeil est venu.  Lulu l'a regardée reposer, attendri, verre sur verre:
      - Je l'savais qu't'étais solide !.. P'têt que demain, elle saura faire les courses ... Mais tant pis, j'irai pas travailler !

        Le lendemain, la soeur est revenue et Miquette est rentrée.  Félicie a fait chut!!, mon Lulu, son Lulu, il fallait pas qu'on le réveille.
        Il ronflait sur la table.
        Habile, le chat, hors de danger, qui bondit sur l'évier, et frotta son échine contre deux bouteilles vides, et sans les faire tomber...
        Quand Lulu s'est réveillé, elle a fait cuire trois andouillettes.  Le docteur et la soeur avaient très interdit de se lever.

     - C'est que des menteries, ma coquette, t'es déjà plus vaillante !

        Une douleur fulgurante l'a poignardée.  Elle lui a pas fait voir.  Après la jambe, elle pouvait pas lui dire, pour un point de côté.

     - Lulu ! Va donc te promener ! Ca vaut pas, comme çà, d'rester chez toi toute la journée !
     - T'as raison ! T'as raison ! J'vais aller voir l'Emile, rester ici me fait perdu, pas bon à rien !
Elle savait que l'Emile avait touché un bon cognac.  Ca ferait un plaisir, au lieu qu'il soit rôdeur, charbon, exaspéré...
    - C'est que, toujours couchée, c'est pas tant rigolo pour toi !

      A repris son vélo.  Elle a souri quand la sonnette a fait son au revoir.  Miquette est venue coucher en rond sur son ventre. Elle pouvait pas respirer à fond, à cause de Miquette, ou bien à cause qu'une drôle d'aiguille l'en empêchait.  Et puis la toux l'a prise, une toux raclée, revêche et douloureuse.  Dans sa bouche est venu du métal, et ce qui engluait la fourrure de Miquette, c'était du sang.
      Elle est morte.

      Lulu ! Grands dieux quel malheur est tombé sur ta tête !
      Il est inconsolable, inondé, violent dans son malheur.  Est allé s'installer chez l'Emile et Jeannette, ont pas su lui dire non.

    - Une embolie, Jeannette ! Que çà vient d'une attaque, pas d'une jambe!  C'est ces piqûres qui me l'ont tuée ! Les docs y faut rien les payer, t'entends, si j'meurs y faut pas les app'ler !
     Sa main droite agite la bouteille qu'elle est vide, sa main gauche remonte sur la cuisse de Jeannette.
   - Si t'vas maintenant bien faire les courses, on aura bien du temps.  Y s'échappe qu'à minuit, non ? ce soir l'Emile, de l'abattoir ? Et pis moi toute façon, demain, c'est tant chagrin, j'irai pas travailler  ...

1 commentaire:

  1. Lucien a tué sa Félicie sa "chotte"n'ira plus faire les courses mais lui n'ira plus travailler, c'est la France profonde! y'en a des qui on la rouspétance revêche. Catfi

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